Chapitre 18

 

 

Je voulus lever la main pour me frotter les yeux, mais Lugh n’eut pas l’air d’éprouver ce besoin. Il s’assit puis sortit ses jambes de sous les draps. Raphael recula pour lui faire de la place.

— Je suis en train de parler à Morgane ou à Lugh ? demanda-t-il.

— Lugh. Du moins pour le moment.

Un fauteuil était disposé à l’autre bout de la chambre. Il était trop lourd pour être déplacé facilement, mais cela n’empêcha pas Raphael de le traîner près du lit pour s’y asseoir. Parfois, ça doit être sympa d’avoir la force d’un démon. Bien sûr, j’en bénéficiais à ce moment-là, et je m’en serais tout aussi bien passée. Je n’étais pas habituée à laisser Lugh me contrôler ainsi et tous mes instincts de survie primaux m’intimaient de me battre, de courir, de faire quelque chose pour me libérer.

Je sentis les muscles de Lugh se raidir, puis se relâcher quand je résistai à l’urgence de lutter.

Est-ce qu’Andy vivait la même chose ? Est-ce qu’il pouvait sentir tout ce que Raphael faisait avec son corps ? Sentir le tissu rêche du fauteuil sous ses doigts alors même qu’il était incapable de faire bouger ces mains ? Et si c’était en effet ce qu’il vivait, comment pouvait-il le supporter ? Pouvais-je vraiment croire que mon frère était vivant et bien portant à l’intérieur de son corps ?

— Comment ça se passe pour ton hôte ? demanda Lugh, me prenant par surprise et, vu le visage de Raphael, ce dernier du même coup.

— C’est la première fois en un siècle que nous sommes en mesure de nous parler en dehors d’une situation de crise et c’est la question que tu me poses ?

Je mis mon cerveau en marche. Je savais, bien entendu, que les démons vivaient très longtemps, s’ils n’étaient pas immortels. Et je savais à quel point les relations entre Lugh et Raphael avaient été mauvaises. Mais il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’ils ne s’étaient pas parlé depuis si longtemps.

— Rappelle-toi, mon frère, dit Lugh, que contrairement à vous, mon hôte et moi sommes partenaires. Ce qui veut dire que ce qu’elle pense compte beaucoup pour moi. Alors dis-moi comment va Andrew.

Raphael secoua la tête.

— Pourquoi me donnerais-je la peine de répondre ? Ni Morgane ni toi ne me croirez si je vous dis qu’il va bien.

Je n’avais jamais vu le visage de mon frère paraître aussi irrité. Cette expression n’était pas flatteuse.

Je serrai les dents et compris que Lugh luttait pour se contrôler.

— Ne te mets pas en colère en mon nom, pensai-je à son intention. Tu sais que j’ai déjà eu cette conversation avec lui et ses affirmations ne m’ont pas rassurée pour autant.

— Est-ce que tu nous reproches de ne pas te faire totalement confiance ? demanda Lugh. Est-ce que tu me ferais confiance si tu te trouvais à ma place ?

Raphael, les bras croisés sur le torse, s’affala dans son fauteuil. Il avait vraiment l’air d’un ado boudeur.

— Quoi que je fasse, cela ne vous convient jamais. Peu importent les risques que j’ai pris pour toi, peu importe…

Lugh gronda.

— Arrête de pleurnicher ! Si la seule raison que tu as pour m’aider – si tu m’aides vraiment – c’est de pouvoir me faire du chantage affectif, alors ne te donne pas cette peine.

Le démon Raphael s’embrasa dans les yeux d’Andrew et, pendant un instant, je crus qu’il allait se jeter sur nous. Lugh se tendit, partageant apparemment la même crainte que moi, mais Raphael parvint à garder son cul sur son siège. Il agrippait les bras du fauteuil et les jointures de ses doigts avaient viré au blanc.

— Euh, Lugh, je ne crois pas que le provoquer en lui disant quelle merde il est soit vraiment productif, dis-je.

Amusant comme je pouvais être raisonnable quand ce n’était pas moi mais Lugh qui se disputait avec Raphael.

— Et qui l’a provoqué au point de se prendre un coup la dernière fois qu’elle lui a parlé ? demanda Lugh.

Si mon corps m’avait appartenu, je suis sûre que j’aurais rougi à ce petit rappel. Je n’étais définitivement pas dans la position de lui jeter la première pierre.

À ma grande surprise, Raphael gloussa et eut l’air de se détendre.

— J’ai déjà évoqué le fait que Morgane et toi formiez un duo étonnamment compatible. (Sa bonne humeur disparut sans que son expression maussade réapparaisse.) Andrew va bien. Nous ne sommes, ni l’un ni l’autre, satisfaits de notre alliance forcée, mais nous gérons au mieux.

Lugh ricana.

— Personne ne vous force, à part toi.

Raphael se pencha en avant.

— Tu oublies quelque chose, cher frère. Andrew et moi nous sommes détestés dès notre rencontre. J’ai le pouvoir de le détruire, mais je ne le fais pas par égard pour Morgane et toi. Alors oui, en effet, je subis une alliance à laquelle je préférerais mettre fin.

— Alors mets-y fin, connard, voulus-je lui dire, mais je n’étais pas en mesure de contrôler ma voix.

Mes lèvres se retroussèrent en un sourire qui tenait plus du rictus.

— Je serais heureux de t’aider à y mettre fin, petit frère, dit Lugh, et j’eus la sensation que tous les muscles de mon corps étaient tendus.

Raphael se raidit lui aussi.

— Tu crois que tu peux m’exorciser ? (Il arborait un rictus identique à celui de son frère.) Es-tu sûr de gagner si nous nous affrontons ?

Lugh m’avait déjà avoué qu’il n’était pas certain d’en être capable, car Raphael et lui avaient les mêmes pouvoirs. Mais il semblait avoir oublié ce détail.

— Il suffit d’essayer, répondit Lugh.

Avant d’avoir fini sa phrase, il s’était projeté du lit pour percuter le corps de Raphael.

— Qu’est-ce que tu fais ? criai-je dans ma tête.

S’ils se battaient et que Lugh perdait, alors tout était fini. Dougal monterait sur le trône et tout ce que j’aurais traversé – que nous aurions traversé – n’aurait strictement servi à rien.

Lugh ne me répondit pas. Le fauteuil s’écrasa sur le sol et Raphael finit sur le dos, immobilisé par Lugh. Andrew était beaucoup plus grand que moi, mais Lugh était assez fort pour compenser cette différence de taille, surtout maintenant qu’il avait le dessus. Leurs regards étaient rivés l’un à l’autre. Bien que l’effort généré pour exorciser un démon ne soit pas physique, je sentais Lugh rassembler toute son énergie afin de forcer son aura sur celle de Raphael.

Je souhaitais désespérément reprendre le contrôle de mon corps, mais c’était trop tard maintenant. Si je commençais à résister à Lugh, je pouvais rompre sa concentration et tout serait fichu.

Jamais, dans mes rêves les plus fous, je n’avais imaginé que Lugh se laisserait emporter par son tempérament. Pourtant j’avais déjà eu des aperçus de sa personnalité. Et je savais également à quel point l’animosité entre son frère et lui était profonde. Pourtant, j’aurais pensé que ce fameux sens des responsabilités que je n’avais cessé de maudire l’empêcherait d’agir de manière aussi imprudente. Je retins mentalement mon souffle, espérant et priant pour que Lugh soit le plus fort.

Raphael écarquilla les yeux quand son regard plongea dans celui de Lugh.

— Je t’en prie, ne m’expulse pas, murmura-t-il, à bout de souffle. Tu sais ce que Dougal me fera. Je t’en prie !

Mais bon sang… ?

L’aura de Lugh continuait à pousser contre celle de Raphael, mais ce dernier ne résistait pas. Davantage de pression et Raphael serait renvoyé au Royaume des démons. Et mon frère serait libre.

Raphael ne bougeait pas sous le corps de son frère… sous mon corps. Son aura ne résistait toujours pas à celle de Lugh et je compris soudain que c’était simplement parce que Raphael ne voulait pas lutter.

— Tu vas me rendre la tâche aussi facile ? demanda Lugh, d’une voix calme en dépit de la mauvaise colère qui avait provoqué son assaut.

Raphael déglutit.

— Si l’un d’entre nous doit retourner au Royaume des démons, ce doit être moi. Dougal te tuerait et nous aurions fait tout cela pour rien.

Il ferma les yeux et attendit. La sueur couvrait son visage et son souffle était court et saccadé. Pourtant il ne se défendait toujours pas.

L’aura de Lugh battit en retraite et il roula pour s’écarter du corps de Raphael. Ce dernier reposait par terre, les yeux fermés, complètement raide. Lugh redressa le fauteuil qu’il avait renversé puis saisit le bras de son frère et l’aida à se relever avant de le rasseoir. Puis il s’installa sur le bord du lit et le regarda jusqu’à ce que Raphael ouvre les yeux.

Le bras de fer visuel sembla durer une éternité. Je ne savais pas ce qui se passait, ce que Raphael ou Lugh pensait. Mais j’observais. Et je vis l’expression de peur de Raphael faire place à l’étonnement, puis à la compréhension, à la colère enfin.

— Espèce de salaud ! cracha-t-il. C’était un test, c’est ça ? Tu voulais tester ma loyauté ?

— Si tu dois faire partie de mon Conseil, si je dois te faire confiance, alors je dois être certain que tu es bien de mon côté.

À ma grande surprise, les yeux de Raphael se mirent à scintiller de larmes.

— Et il fallait que j’en arrive là pour prouver ce que je valais ?

Sa voix rauque était emplie de douleur. Par le passé, j’avais souvent décidé de ne pas faire confiance aux émotions de Raphael, ne sachant pas s’il jouait ou non la comédie. Cette fois, j’étais sûre qu’il ne faisait pas semblant.

Lugh tendit la main pour tapoter l’épaule de son frère et ce dernier tressaillit à son contact.

— Pose-toi cette question, mon frère, dit Lugh. Étant donné l’enjeu, aurais-je pris le risque de me battre contre toi si j’avais vraiment pensé que tu allais te défendre ? Tu peux penser que je suis arrogant, mais certainement pas au point de supposer que je gagnerais.

Raphael secoua la tête en clignant des yeux.

— Mais alors pourquoi… ?

— Parce que je ne suis pas le seul qui ait besoin d’être convaincu.

Eh bien, merde… Tout ce numéro m’était donc destiné ? Raphael ne m’appréciait pas particulièrement : voilà qui n’allait pas arranger les choses.

Il y réfléchit pendant un long moment sans dire un mot. Puis il acquiesça.

— Je ne peux pas dire que j’apprécie ta façon d’agir mais je comprends. Et que fait-on maintenant que j’ai passé le test ?

— As-tu vraiment dit à Morgane tout ce que tu savais concernant le projet Houston ?

Raphael, comme moi, perçut le ton sceptique de la voix de Lugh.

Il redressa les épaules mais répondit de manière assez civile.

— Oui. Il y a au moins trente-cinq ou quarante laboratoires disséminés dans le monde. Je ne sais pas grand-chose de leurs activités quotidiennes.

— Suis-je vraiment supposé te croire alors que tu étais personnellement impliqué dans le projet mené au sein du Cercle de guérison ?

Raphael se hérissa.

— Je pensais avoir justement passé un test de loyauté. Apparemment, je me suis trompé.

— Je crois en ta loyauté, répondit Lugh avec un sourire sardonique. Mais j’ai toujours quelques doutes quant à ton honnêteté.

À ma grande surprise, Raphael éclata de rire.

— Tu feras un bon roi si on arrive à te faire monter sur le trône, dit-il alors que toute animosité avait disparu de sa voix.

— Je suis ravi que tu penses ça. Maintenant, concernant le laboratoire de Houston…

Raphael poussa un soupir exagéré.

— Je dis la vérité, même si c’est difficile à croire. Le Cercle de guérison était une ébauche de projet pour moi.

— Mais tu supervisais cette campagne qui avait comme objectif de créer un meilleur hôte, protesta Lugh. Tu étais responsable de tout le projet !

Raphael secoua la tête.

— C’était Dougal qui en était responsable. J’étais tout juste son émissaire dans la Plaine des mortels.

Je ne le croyais pas et je ne pense pas que Lugh le croyait non plus. Mais cela n’aurait servi à rien d’insister. Raphael n’avouerait pas son mensonge. Pourtant j’étais certaine que Lugh était aussi curieux que moi de savoir ce que son frère cachait cette fois.

— Très bien, dit Lugh, même si Raphael perçut le ton sceptique de la voix de son frère. Tu ne savais rien de ce qui se passait au laboratoire de Houston. Mais tu devais savoir qui en était responsable. Vous deviez sûrement communiquer entre laboratoires.

— Pourquoi es-tu si intéressé par Houston ? Rien de ce qui s’y passait n’a d’importance dans le grand ordre des choses. Ce qui importe, c’est d’être plus malin que Dougal.

Mais Lugh secoua la tête.

— Savoir ce qu’il préparait dans la Plaine des mortels et quels progrès il a faits est également important pour moi. Nous nous sommes trop souvent permis d’interférer avec les humains alors que nos monarques restaient de bienheureux ignorants. Je ne permettrai pas que cela continue pendant mon règne. Alors contacte certains de tes vieux amis dans le business d’élevage et cherche à savoir ce qui se passait dans le laboratoire de Houston. Je veux comprendre pourquoi Tommy Brewster est important au point qu’un démon prendrait le risque de le posséder illégalement en des circonstances aussi douteuses.

— Tu n’oublies pas quelque chose ? Je suis hors la loi et je risque autant que toi avec Dougal et ses partisans. Je n’ai plus aucune source d’information.

— Un peu que je vais te croire ! Ou bien serais-tu en train de me dire que Dougal a les moyens et la volonté d’informer tous les démons de la Plaine des mortels que tu n’es plus son acolyte ?

D’après son expression, Raphael était sur le point de faire une crise de rage, mais il réussit à se maîtriser.

— Très bien, dit-il d’une voix neutre. Je vais voir ce que je peux apprendre et je te ferai un rapport. Avez-vous d’autres désirs, Votre Majesté ?

Avec ce ton, il était difficile de savoir si le titre honorifique était sarcastique ou respectueux. Du moins, j’avais du mal à savoir. Lugh saurait s’il était de tradition que ses frères s’adressent à lui par son titre, mais il n’éclaira pas ma lanterne.

— Sois juste gentil avec Andrew, peu importe à quel point tu le détestes.

Lugh se leva et Raphael fit de même. Ils s’adonnèrent à un nouveau bras de fer visuel sans que j’aie la moindre idée de ce à quoi ils pensaient.

— Hmm, Lugh ? Si tu as fini, je peux récupérer mon corps ? demandai-je.

Leur discussion avait été assez intéressante pour que j’en oublie combien il était désagréable que Lugh ait le contrôle. Mais les réflexes revenaient au galop et il me fallut beaucoup de volonté pour résister à l’envie de me libérer de lui.

Lugh ne me répondit pas, mais il tendit la main. Raphael le regarda encore pendant quelques secondes puis serra la main qui lui était offerte.

— Je suis content que nous ayons eu cette petite discussion, dit Raphael, sans que je sois capable là encore de savoir si cette déclaration tenait du sarcasme.

Lugh émit un petit ricanement qui aurait pu être un consentement, de l’amusement ou du dédain. Puis il tira sur le bras de Raphael et l’enferma dans une de ces étreintes viriles que les hommes apprécient. Raphael se raidit un moment, puis répondit à la démonstration d’affection de son frère.

Tout cela était vraiment émouvant, mais j’étais de plus en plus nerveuse. Je voulais reprendre le contrôle, le reprendre maintenant. Perdant la bataille contre mes nerfs, je pris conscience que j’étais en train d’essayer de fermer mes barrières mentales sans aucune volonté consciente.

Puis, soudain, Lugh avait disparu et mon corps me fut rendu. Je lus dans le regard glacial de Raphael qu’il avait tout de suite remarqué la différence. Lugh et lui avaient très bien pu faire la paix, mais cela ne signifiait pas que tout allait bien entre nous pour autant.

Raphael ouvrit la bouche, sur le point de parler, puis il secoua la tête comme s’il se ravisait. Sans un mot, il tourna les talons et sortit de la pièce. Quelques secondes plus tard, la porte d’entrée claqua. Il n’était plus là.

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